Désordre façades : le gonflement et l’éclatement des revêtements en mortier plâtre et chaux

, par Michel Grenier

Un désordre très visuel

Un désordre très souvent visuel mais pas toujours pris en compte dans le maintien des ouvrages, est un gonflement et, ou l’éclatement des revêtements des façades réalisés en mortier de plâtre et chaux.

La cause essentielle

Ce désordre se traduit par une augmentation du volume du revêtement, sous forme de feuilletage, présentant un risque de chute de morceaux de mortier. Les parties de l’enduit les plus exposées à l’humidité présentent des désordres les plus importants.
Ce gonflement est dû à la réaction , en présence d’eau, de composants de la chaux hydraulique avec ceux du plâtre.

Ce qu’il aurait fallu [mieux] faire !

Les "façadiers" [1] le savent, mais ne l’appliquent pas toujours : Il vaut mieux parfois utiliser de la chaux aérienne que de la chaux hydraulique dans tous les cas, afin d’éviter ces désordres importants. On peu très bien mélanger les deux types de chaux pour s’adapter aux murs anciens, ou, à ce que l’on appelle le passage dans le temps, facteur de la décarbonatation lente et inexorable, par manque d’étude du départ sur l’environnement même du bâtiment (qualité du substrat, éventuelle hygroscopicité importante,etc.).

Conséquence

Cette réaction donne lieu à la formation de sels expansifs dits thaumasite [2] et elle se poursuit jusqu’à la désagrégation complète de l’enduit.
Cette situation est irréversible et demande de reprendre les travaux le plus rapidement possible dès les premiers signes d’éclatements ou de gonflements des revêtements de façades.

Bien choisir le type de chaux dès le départ peut éviter ce désordre dans le temps !

Particulièrement adaptée aux constructions en matériaux naturels tels la pierre et la terre, écologique puisque qu’elle récupère lors de sa mise en oeuvre le CO² qu’elle perd lors de la fabrication, la chaux [3] maçonne, recouvre, protège et décore les maçonneries d’origine tout en leur conservant leurs qualités respirantes. Imperméable à l’eau mais perméable à la vapeur d’eau, fongicide, anti-bactérienne, elle est l’alliée des habitats sains. Associée à des matériaux naturels (chanvre, lin, bois, billes d’argile, liège....) elle peut constituer le liant de mortiers fibrés et/ou isolants.

La chaux aérienne :
Sa prise à l’air par carbonatation (absorbtion du CO² contenu dans l’air ambiant) fait d’elle la chaux particulièrement adaptée aux enduits en milieux secs. Diluée avec de l’eau, elle constitue des peintures naturelles, décorent les enduits. Sa prise très lente (entre 24 et 48H) rend son emploi très souple et convient tout particulièrement aux bâtiments anciens.

La chaux hydraulique :
Sa prise se fait d’abord à l’eau puis à l’air. Elle est conseillée en extérieur (façades exposées, dalles...) mais en intérieur aussi pour les pièces humides (salles d’eau, dalles, caves, murs enterrés...). Elle est aussi souvent employée dans les enduits isolants au chanvre (qui nécessite beaucoup d’eau) afin de favoriser une prise plus rapide. L’intérêt de la chaux hydraulique est qu’elle laisse respirer le mur et permet à l’humidité de s’évacuer, tout en effectuant sa prise au contact de celle-ci (ainsi qu’au contact de l’air). Inconvénient, si le séchage de surface est relativement rapide, la prise à coeur est beaucoup plus lente et se mesure en semaines, voire en mois. C’est pourquoi on l’utilise surtout en mortiers ou pour des crépis à la chaux.

Façade à la chaux :
Un enduit à la chaux sur une façade donne un cachet irrésistible que les crépis classiques ne possèdent pas. Matériau résistant à toute épreuve utilisé depuis l’Antiquité la chaux a permis de réaliser certains des ouvrages d’art les plus résistants, des aqueducs romains aux phares bretons. Faire un ravalement à la chaux expose à deux soucis particuliers, les conditions climatiques et le passage du temps.
Les conditions climatiques : l’humidité, le froid mais aussi l’exposition au soleil et à des chaleurs importantes vont profondément influer sur le comportement de l’enduit.

Le passage du temps : si vous enduisez une façade sur une vieille bâtisse, elle n’a sans doute pas de vide sanitaire et l’enduit sera en contact direct avec le sol, ce qui signifie qu’avec le temps, l’humidité remontera et que l’enduit devra suivre les mouvements du sol pour éviter les fissures. Ce dernier point vaut pour n’importe quelle surface.

Les 2 recours possibles : assurance ou juridique

1. La responsabilité décennale et la difficile preuve de l’impropriété à destination :
En matière de rénovation, la responsabilité décennale est applicable uniquement si l’entreprise réalise un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil. Le cas des travaux de ravalement est significatif. De jurisprudence constante, les Cours de cassation considèrent que la rénovation d’une façade ayant une pure fonction esthétique ne constitue pas un ouvrage en soit.
A l’inverse, le ravalement peut être qualifié d’ouvrage lorsqu’il a une fonction d’imperméabilisation ou d’étanchéité !
Ainsi, les enduits réalisés ont un rôle d’imperméabilisation des façades et peuvent donc être qualifiés d’ouvrage.

Néanmoins, la garantie décennale ne peut être mobilisée qu’en présence d’un désordre compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
Une Cour de cassation pu considérer qu’un désordre esthétique généralisé (fissures) peut relever de la garantie décennale, pour une façade constituant l’un des éléments du patrimoine architectural d’une commune.

« En droit [juridique], les désordres esthétiques sont constitutifs d’une impropriété à destination lorsqu’ils affectent un immeuble de grand standing, et que rien ne vient démontrer que l’ensemble des immeubles constituant la copropriété relève du grand standing ».

2. La responsabilité contractuelle du constructeur et du fabricant :
Une copropriété peut solliciter la condamnation solidaire du constructeur et du fabricant [4] sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Elle peut dans ce cas obtenir gain de cause. Seule une expertise judiciaire peut conclure que les désordres arrivant dans le temps peuvent avoir deux origines techniques :

– Une inadaptation du produit par rapport au support (caractérisée par l’apparition, en surface des revêtements, d’efflorescence sulfatée, déposée par la migration de sels solubles contenus dans la maçonnerie, décollement ou gonflement du revêtement).
Un constructeur peut manquer à son devoir de conseil à l’égard du maître d’ouvrage en ne l’alertant pas sur la nécessité de remédier à la présence de sel dans le support avant de procéder à la pose de l’enduit.

– Une perméabilité anormale du produit installé par rapport à ses caractéristiques attendues. Ainsi, le fabricant peut manquer à son obligation de renseignement en omettant d’attirer l’attention du constructeur sur la grande perméabilité de l’enduit.

Ces deux fautes peuvent contribuer à la réalisation de futurs désordres (dommages) imputables au constructeur et au fabricant à 50 % chacun.

Besoin d’une assistance pour résoudre ce désordre sur votre façade ?

La société MG BUILDING CONSULTING spécialiste des "désordres" et du "maintien des ouvrages" dans le bâtiment peut vous assister pour diagnostiquer ce type de désordre sur vos façades et établir un rapport d’expertise pour faire reprendre les travaux mal exécutés :

Notes

[1entreprises spécialisées qui réalisent les travaux de réfection des façades

[2Le béton peut subir des réations chimiques dues, notamment, à l’apparition de thaumasite. Nous allons donc vous expliquer brèvement les caractéristiques de ce phénomène découvert assez récemment. Le ciment Portland CEM I PMES est vulnérable à une attaque par les sulfates en présence de carbonate de calcium. Cette réaction aboutit á la formation d’une substance appelée thaumasite. Cette " nouvelle " pathologie du béton révélée á la fin des années 90 est d’autant plus préoccupante qu’elle met en péril la stabilité des structures car elle induit une véritable désintégration du béton. La thaumasite se forme dans le béton lui-même ou dans le milieu avec lequel il est en contact. Les basses température ( inférieur à 15 °C ) seraient plus favorables á la formation de cet hydrate. Des travaux récents suggèrent que le laitier de haut-fourneau est particulièrement efficace lorsqu’il s’agit d’empêcher la formation de thaumasite. La prévention de cette réaction aux dommages irréversibles a fait l’objet d’études intensives au Royaume Uni.

[3La chaux est issue de la cuisson de pierres calcaires. Les pierres les plus "fines" produisent une chaux exempte de matériaux hydrauliques (argile, fer...), les plus "grossières", une chaux plus ou moins chargée en éléments hydrauliques. Il existe plusieurs fabricants de chaux. Suivant le calcaire dont ils disposent, ils se spécialisent dans l’une ou l’autre des chaux.

[4Les fabricants ne sont pas des constructeurs et ne sont pas soumis à la garantie
décennale (arrêt du 25 novembre 1998 : 3è civ. n°97-11395 : « l’article 1792 du
code civil n’est pas applicable au fournisseur et au fabricant »).
Les désordres qui affectant l’ouvrage après réception peuvent être dus :
 Non pas à une faute des constructeurs,
 Mais à une défectuosité du produit mis en œuvre.