Une pathologie accidentelle majeure du béton : la carbonatation.

, par Michel Grenier

Définition

La carbonatation est une réaction de combinaison chimique avec le dioxyde de carbone (CO2)dans le béton ou dans des enduits de bâtiments. Ce sont les bases qui sont carbonatées, éventuellement à l’air, celui-ci contenant un peu de ce gaz.

Un phénomène structurel inévitable

Connue de longue date, la carbonatation est un phénomène chimique lié à l’émission de gaz carbonique dans l’atmosphère, qui ne peut être combattu qu’en faisant baisser le taux de pollution. Responsable de l’oxydation et du gonflement des armatures métalliques, ce phénomène conduit au craquèlement des couches de béton, puis à l’infiltration d’eau dans les murs, pour finalement conduire à une dégradation lente et certaine des bâtiments en béton.
Les bétons sont perméables à l’air, et les gaz carboniques provoquent une augmentation de leur taux d’acidité. Sous l’effet de ces agents corrosifs, les armatures en fer s’oxydent, rouillent, se déforment et se désagrègent.
Le béton qui les entoure commence alors à se déliter, se disloque et finit par céder.

La carbonatation du béton c’est quoi exactement ?

Le béton issu du ciment est préparé avec de l’oxyde de calcium CaO comme constituant principal, transformé, une fois gâché, en hydroxyde de calcium. Cette espèce chimique confère au ciment un pH élevé (entre 12,5 et 13), suffisant pour passiver les armatures métalliques qui y sont incluses. La carbonatation du ciment est une réaction lente entre le dioxyde de carbone atmosphérique qui est un acide et le ciment qui est constitué principalement d’une base. Elle fait baisser ce pH et permet alors aux armatures d’être corrodées. Cette corrosion peut se propager à l’armature et mettre en danger la solidité de l’édifice. Cette fragilité est renforcée par le fait que l’oxyde de fer possède un volume supérieur au fer (dû à l’incorporation de 1,5 atomes d’oxygène par atome de fer présent), ce qui conduit à craquer le ciment au voisinage.

La pathologie accidentelle due à la carbonatation du béton

La carbonatation atmosphérique du béton dégrade les bétons armés et est notamment responsable de la mise à nu de leurs armatures en acier. La carbonatation, associé à un phénomène de retrait dit « retrait de carbonatation »1 entraîne des problèmes de durabilité puis de résistance sur les structures en béton armé. Les barres d’acier, censées garantir cette résistance, gonflent sous l’effet de la corrosion et font éclater le béton d’enrobage, qui suit subit un retrait à cause de la carbonatation, les aciers sont alors mis à nu et continuent à se corroder.

Le processus de carbonatation dans le bâtiment

En présence de Dioxyde de carbone (CO2), donc souvent en ville ou en bord de route, la chaux (CaO) présente dans le ciment se transforme en carbonate de Calcium (CaCO3) qui devient un sel insoluble.
Dans ce cas le processus de carbonatation est favorisé par la composition du béton lui-même, s’il est très poreux ou composé de beaucoup de ciment et de très peu d’eau ; dans ce cas la vitesse de pénétration du CO2 est plus importante.
Dans une atmosphère humide, la carbonatation atteint son intensité maximale avec un taux avoisinant les 60%.
C’est ainsi que la chaux éteinte qui assurait la basicité du milieu disparait peu à peu, le PH du béton diminue et descend alors à 9 au lieu des 12-13 qui sont sa norme.
Lorsque la carbonatation atteint les aciers, ils sont eux-mêmes passivés à cause du PH et ne sont donc plus protégés.
Avec la pénétration de l’air humide, le fer des armatures, qui ne sont plus protégés, réagit avec l’eau et le dioxygène.
La rouille commence alors son lent et inéluctable travail de destruction !

La rouille occupe un volume 6 à 8 fois supérieur à celui de l’acier ; elle provoque donc l’éclatement du béton !
Stade normal du béton avec un PH de 12-13 préservant les armatures en acier !
Les conséquences visibles (pathologies accidentelles) de l’extérieur du bâtiment !
Stade de carbonatation du béton (PH de 9) favorisant la pénétration du CO2, favorisant la pénétration d’humidité qui va détruire les armatures en acier !

N.B. Après diagnostic d’une présence avérée de carbonatation sur des façades d’immeuble, des travaux de réhabilitation devront être organisés ; un Contrôle Non-Destructif pour contrôler le bon PH du béton à la Phénolphtaléinepeut s’avérer idispensable pour connaître le degré de pénétration de la carbonatation jusqu’aux armatures en acier. Ceci devient indispensable en cas de doute sur le diagnostic, et avant tout ravalement de façade ou Isolation Thermique par l’Extérieur sur des façades bien abimées et visuellement atteinte par cette pathologie accidentelle.

Ne pas confondre le phénomène de carbonatation avec les autres efflorescences dues aux remontées capillaires de sels solubles provenant du sol ou du support tels que sulfates, nitrates, … Celles-ci apparaissent à tout âge de la construction et sont traitées différemment.

Le traitement de choc de la carbonatation

Un Taitement de choc en plusieurs étapes indispensables pour retrouver des façades saines :

  • Lavage haute pression de l’ensemble des bétons (1000 bars), pour enlèvement des anciens enduits ou peintures.
  • Dégagement mécanique ou par jet d’eau à très haute pression (3000 bars) des zones atteintes.
  • Sablage des aciers.
  • Application d’une couche d’accrochage sur les aciers et bétons.
  • Giclage manuel ou à la machine d’un mortier additionné de résines de synthèse.
  • Habillage de finition avec mortier mince.
  • Application d’un inhibiteur de corrosion.
  • Lissage de l’ensemble des surfaces avec mortier mince.
  • Application d’un primaire d’accrochage.
  • Application d’un enduit élastique freinant le passage des gaz carboniques.
  • Application de deux couches de peinture anti-carbonatation [1].
  • Pose de joints souples aux points singuliers.
    La carbonatation des enduits ça existe aussi !

Notes

[1La pollution urbaine étant de plus en plus un constat d’impuissance, il est devenu indispensable, pour éviter cette réaction, d’empêcher le dioxyde de carbone de pénétrer dans le béton d’où l’apparition de nouvelles peintures dites "anti-carbonatation".
Qu’est ce qu’une peinture anti-carbonatation ?
Les peintures anti-carbonatation sont des traitements de surface qui ont une haute résistance au dioxyde de carbone et qui protègent ainsi le béton de la carbonatation. Une peinture anti-carbonatation doit impérativement répondre aux exigences de la norme EN-1062-6/2002.
Pour être efficace, une peinture anti-carbonatation doit présenter les caractéristiques suivantes :

  • une excellente résistance au dioxyde de carbone, à l’eau et à l’oxygène
  • une excellente adhérence au support pour éviter le cloquage,
  • une bonne résistance aux alcalis,
  • une bonne durabilité dans le temps.

N.B. : La société MG BUILDING CONSULTING dans le cadre d’une mission AMO pour « programmation de travaux »de ravalement de façades incluera obligatoirement cette prescription dans le cahier des charges