La réaction de l’alcali-granulat ou l’alcali-réaction, un mal du béton à surveiller !

, par Michel Grenier

Le béton [1], par sa nature, est un matériau relativement durable. il a été le substrat révolutionnaire dans le bâtiment depuis plus d’un siècle ; Il est encore aujourd’hui le matériau le plus utilisé dans le domaine du bâtiment. Sa durabilité, définie par son aptitude à résister vis-à-vis des mécanismes divers susceptibles de le dégrader, représente un objectif de qualité primordial en génie civil. Pour s’assurer expérimentalement de sa durabilité, il faut vérifier comment il résiste vis-à-vis de certain nombre de mécanismes susceptibles de le dégrader tels que l’alcali-réaction, la corrosion des armatures, l’attaque sulfatique,…

L’alcali-réaction une pathologie du béton à prendre au sérieux !

La dégradation du béton des bâtiments existants résultent du phénomène d’alcali-réaction ; ce phénomène de dégradation est une pathologie sérieuse à prendre en compte rapidement sur le cadre bâti.
En général les désordres apparaissent à des échéances variables de deux à dix ans pour la nouvelle génération de bâtiment, et plus importants pour les bâtiments des années 1960 / 1970.
L’ère des ouvrages en béton à vu apparaître cette nouvelle forme de pathologie.

Comment se manisfeste la pathologie ?

La pathologie et les manifestations externes se signalent par un ou plusieurs des symptômes comme :
 une fissuration des façades avec calcitation,
 un faïençage à mailles plus ou moins larges ou en étoile ou une fissuration orientée suivant une direction fonction de la distribution des armatures,
 des exsudations blanches formées de calcite et parfois de gels translucides,
 des pustules ou cratères avec des éclatements localisés en forme de petits cônes résultant de la réaction de gros granulats superficiels qui sont visibles au fond des cratères d’éclatement,
 des mouvements et déformations du cadre bâti,
 des colorations ou décolorations des façades,
 des blocs de béton se détachant du cadre bâti.

Un peu de physique pour mieux comprendre ce phénomène.

Les réactions alcali-granulat (RAG) constituent une famille de réactions dans le béton entre les ions alcalins contenus dans les pores du ciment et les granulats.

Elles conduisent à l’attaque des agrégats et à la formation de gels hydrophiles. Cette attaque se traduit par une diminution des propriétés mécaniques du béton (résistance à la compression, à la flexion, modification du module d’Young [2]) et par un gonflement caractéristique.

Cette réaction ne survient que si trois conditions sont remplies :
 les granulats sont réactifs (présence de silice amorphe ou de dolomie),
 l’alcalinité (concentration en ions OH–) du ciment trop élevée,
 il y a suffisamment d’eau pour permettre le transport et la réaction des ions et des substances dissoutes réactives.

L’hygroscopicité des murs favorisent l’alcali-réaction des façades du cadre bâti !

Des solutions correctives à mettre en place dès les premières fissures ou éclats de béton !

L’alcali-réaction va se générer dans le temps, quand l’hygroscopicité des murs va permettre le passage de l’eau et dénaturer chimiquement la qualité du béton . Une expertise ou un Contrôle non-destructif du substrat s’impose sur les anciens bâtiments qui dans le temps ont fissuré, ou quand les revêtements des façades, prévus pour ralentir ces effets, n’a pas été entrepris depuis de longues années, laissant au temps, son oeuvre de destruction inéductable !

Les traitements de protection et, ou de réparation.

Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement qui assure la réparation définitive d’un bâtiment existant atteint d’alcali-réaction, par contre, les procédés existants ne font que prolonger la durée de vie du bâtiment et de le préserver dans le temps. Ces traitements interviennent à deux niveaux :

  • chimique,
  • et mécanique.

Au niveau chimique, partant du principe que le déroulement de l’alcali-réaction exige simultanément eau + alcalins + silice soluble, on peut soit assécher le béton soit inhiber la réaction alcali-silice.

Au plan mécanique, on contrecarre l’effet des contraintes résultant de l’expansion : on opère alors soit par libération de ces contraintes soit en s’y opposant par des renforcements variés.

Première solution : l’assèchement du béton  :
On dispose de plusieurs techniques pour réduire les venues d’eau dans le béton :
 Injection de résine "étanche" dans les fissures apparentes, par injection d’un produit scellant, on peut obturer les fissures et réduire ainsi la pénétration, à condition que ce produit soit suffisamment souple pour suivre l’élargissement de la fissure avec le temps : on emploie souvent des résines époxydiques. Ce genre de traitement n’a qu’une efficacité très réduite car il n’empêche pas l’eau de pénétrer par les espaces interfissuraux et il ne freine pas le développement de la fissuration superficielle.

 Application de revêtements superficiels, lorsqu’il s’agit d’une simple application de peinture, donc de faible épaisseur (<300ou400ìm), le film n’est pas totalement imperméable à l’eau et il est perméable à la vapeur d’eau : le résultat est donc médiocre.

Spécifications types pour la durabilité des ouvrages et bâtiments en béton vis-à-vis de l’alcali réaction !

Par contre, l’application d’un revêtement plus épais (quelques millimètres), généralement sous la forme d’une membrane en matière plastique, est une pratique qui réduit considérablement la pénétration de l’eau dans le béton. L’efficacité du film protecteur est évidemment abaissée lorsqu’il est déchiré, situation à envisager au cours de son vieillissement. Cette technique a été fréquemment mise en oeuvre et a montré son aptitude à prolonger la durée de service des ouvrages ------------------------->

 Imprégnation par des agents hydrophobes, plusieurs expérimentations en laboratoire et des retours de mesures in situ montreraient qu’on peut fortement diminuer l’humidité relative dans un béton et ralentir le gonflement consécutif à l’alcali-réaction par imprégnation au moyen d’une solution hydrophobe : produits essentiellement à base de silanes.

Deuxième solution : l’imprégnation dans les fissures d’agents chimiques inhibiteurs :
 Des sels de lithium pourraient contrer les effets de l’alcali-réaction : LiNO3 est le plus sûr d’emploi. Néanmoins, comme la pénétration du lithium dans le béton est faible (au mieux 5 cm), ce genre de traitement présente essentiellement un intérêt pour des ouvrages tels que des bétons de revêtement routier.

DE CE FAIT, CETTE SOLUTION NE POURRAIT PAS ETRE ENVISAGEE POUR TRAITER LES BÂTIMENTS !

Dès lors que le degré de fissuration du béton est le facteur essentiel qui commande la profondeur de pénétration du lithium, il se pose la question suivante : à quel moment faut-il traiter un ouvrage dont la fissuration progresse avec le temps ?

"Dans le cas de proposition de travaux d’isolation Thermique par l’Extérieur (ITE) des façades de votre immeuble, il est impératif que votre "sachant" est bien appréhendé le risque de l’Alcali-réaction si présence de fissures, éclats de béton, ferraillages apparents, etc.
Son cahier des charges techniques devra être très précis et détaillé sur la méthodologie employée pour traiter ce sujet important, ou si le risque est écarté, de manière experte, de détailler précisemment les prestations de traitement des fisssures, éclats de béton, etc.
Une métaphore à retenir : "L’ignorer, c’est comme si vous mettiez un pansement sur une jambe de bois !"
N.B. Une mauvaise ITE peut réduire les capacités de votre bâtiment à bien évacuer l’eau présente par hygroscopicité dans ses murs et dalles, donc générer la possibilité d’alcali-réaction, et peut ainsi, en réduire irrémédiablement son cycle de vie ! "

Notes

[1Le béton est un assemblage de matériaux de nature généralement minérale. Il met en présence des matières inertes appelées granulats ou agrégats (gravillons, sables , etc.), un liant (ciment, bitume, argile), c’est-à-dire une matière susceptible d’en agglomérer d’autres ainsi que des adjuvants qui modifient les propriétés physiques et chimiques du mélange. Mêlés à de l’eau, on obtient une pâte, à l’homogénéité variable, qui peut selon le matériau, être moulée en atelier (pierre artificielle), ou coulée sur chantier. Le béton fait alors « prise », c’est à dire qu’il se solidifie.

[2Le module d’Young ou module d’élasticité (longitudinale) ou encore module de traction est la constante qui relie la contrainte de traction (ou de compression) et le début de la déformation d’un matériau élastique isotrope.